
J’ai proposé à Clément de l’initier au parapente dans le massif de Chartreuse où il s’est installé. Mais une fois sur place, nous avons constaté un vent de sud qui annonçait des rafales à 50km/h. Plutôt que de jouer à la roulette russe avec ses chevilles, Clément m’a parlé de son parcours atypique et de son travail de développeur en remote.
« Clément Guyon, 25 ans, développeur d’applications mobiles Flutter. »
Je travaille dans l’agence Orkester sur Villeurbanne. Les clients viennent nous voir avec des projets, on les aide à les construire, de la spécification fonctionnelle, technique, jusqu’à la mise en production et la maintenance…
Je me suis installé dans la montagne en Chartreuse avec ma partenaire, depuis peu – en janvier. Et on a eu un besoin de… je vais pas dire de reconnexion à la nature, parce qu’on était déjà connecté à la nature, mais de s’éloigner de la ville, au moins.
Si je devais décrire mon job : Je matérialise, je concrétise des idées pour des gens qui veulent construire des projets. C’est vraiment varié. Mon projet principal, c’est une application pour la Fédération Française de Golf, mais on travaille avec des journaux comme l’Alternative Économique, on travaille avec la RATP… Au final, il y a pas vraiment de limites dans notre client type.
« De sous-marinier , à développeur d’applications mobiles »
Comment tu en es arrivé là dans ta carrière ?
Je… C’est une succession d’échecs et de mauvaises expériences, on va dire. 😀
Mon projet initial, c’était la Marine Nationale : je voulais travailler dans les sous-marins. La Marine, c’est une branche de l’armée qui est particulièrement exigeante. Et il faut avoir la capacité d’apprendre, de comprendre rapidement beaucoup d’informations. Dans l’armée de terre, ils prennent les gens comme ils sont, et on t’aide à savoir où aller. Tandis que dans la Marine, il faut déjà avoir, savoir où tu veux aller. Moi, quand j’ai postuler je venais de passer mon bac. Donc, c’était un petit peu short.
Et du coup, ils m’ont dit : « faites des études, et ensuite, revenez nous voir ». De là mon second choix, c’était un DUT informatique. Je suis donc arrivé là-bas avec pas mal d’affinités avec l’informatique, mais pas du tout dans le développement – plutôt les jeux vidéos… J’ai vraiment appris le dev quand j’ai fait mon DUT. Honnêtement… J’ai bien galéré, en tout cas, sur les premières années. Et après, ça s’est amélioré.
En fait, ça s’est amélioré quand j’ai arrêté de faire du C 😀
C’était comment, tes premières expériences dans le milieu ?
J’ai commencé par une alternance dans une ESN, et j’ai pas du tout apprécié leurs méthodes. La manière dont ils traitent les développeurs, les gens en général… on sent que tu peux être remplacé très vite. Ce n’était pas vraiment pour moi. J’ai réalisé que je préférais travailler sur un seul produit, m’y investir, plutôt que de sauter de mission en mission toutes les semaines.
Le turnover de projets était trop important, et tu te sens mal traité. Même si mon N+1 était humain, au-dessus, il y avait encore des N+1 et tout était décidé par les actionnaires. L’argent dictait tout. Après, c’est différent selon les boîtes, mais moi, ce système ne me convenait pas.
Tu coup, tu as changé de structure ?
Après mon alternance, je n’ai pas choisi le freelance, j’ai rejoint une agence, Orchestra, et là, c’était plus proche de ce que je voulais. Les collègues restent les mêmes, les clients viennent nous voir, on construit les projets avec eux. Pas de sauts de mission en mission, on reste impliqués, on voit l’impact de notre travail.
Il y a plus de suivi, plus d’implication. Si un client a un budget, on travaille longtemps sur le projet ; si moins, c’est plus court. Mais tu restes connecté au produit, tu peux vraiment dire : “Moi, j’aurais fait ça comme ça,” et le client est ouvert à la discussion. Ça me correspond, ça colle à ma personnalité. J’aime faire beaucoup de choses, regarder le design, le dev, la conception des produits, la stratégie marketing… et pouvoir être écouté.
Est-ce que tu retournerais vers la Marine ?
Non, je le ferais pas. À l’époque, j’avais besoin d’un cadre, mais je n’étais pas heureux. En grandissant, j’ai affiné mes choix et mes goûts. Quand tu travailles dans un sous-marin, tu n’as pas les mêmes opportunités que dans la vie civile.
La vie a fait que le silex s’est taillé avec le temps.
« Full-remote à 25 ans »
En ce moment, je fais du full-remote. J’ai commencé avec deux jours pas semaine, mais les circonstances ont permis de travailler entièrement à distance pour le moment, et ça se passe bien. Pour moi, le remote, c’est vraiment une question de confiance. La société française a encore un peu de mal avec ça : il y a un certain « fordisme » dans la manière dont les employeurs font confiance à leurs employés.
C’est quoi tes plus grandes réussites et échecs ?
C’est dur de répondre. Ma plus grande réussite n’est pas encore concrétisée, mais elle viendra. J’ai beaucoup d’ambitions, je veux avancer vite et loin. En ce moment, je passe des entretiens pour une société que je veux vraiment rejoindre, qui pourrait m’offrir une carrière exceptionnelle.
Je ne vois pas vraiment d’échec. La Marine, ce n’était pas pour moi, c’est juste un signe de l’univers qui m’a fait changer de direction. Aujourd’hui, je ne pourrais pas être plus heureux.
C’est quoi le quotidien d’un dev pour toi ?
C’est classique : je regarde les tickets à faire, je les traite, je les valide, et je recommence. J’essaie de passer un maximum de temps avec ma famille et sur mes projets persos. Le weekend, c’est bricolage, bivouac en montagne, ou sport quand je peux.
Ce qui me motive, c’est de savoir que toute l’énergie que je mets dans mon travail me permettra de vivre plus confortablement et de profiter plus tard. Le travail, c’est un moyen pour être libre et heureux. Si j’avais pu choisir, je travaillerais en remote depuis mon camion, mais avec une famille et des prêts, il faut faire des compromis.
« Stick to the plan »
Qu’est-ce que tu donnerais comme conseil à un jeune développpeur ?
Sois exigeant avec toi-même, sur ton travail et sur ton confort. Il faut mettre de l’énergie pour trouver un travail qui te plaît, même si certaines expériences sont désagréables, ça t’aide à savoir ce qui te convient. Et si tu veux quelque chose, reste focus, mets toute l’énergie pour l’obtenir. Même si c’est difficile, ça vaut le coup.
Tu as du temps pour des projets persos en dehors de ton poste ?
J’ai une vision particulière des side+projects : plus on en parle, moins on a de chances de les concrétiser. 😀
Je développe une application mobile, un site web et un agent IA pour les indépendants, pour leur faire gagner du temps au quotidien. La clientèle est difficile, ça me force à réfléchir au design et à la conception du produit final. Un bon conseil que j’ai retenu : prends l’avis des gens seulement si c’est la vraie cible et qu’ils sont prêts à s’engager maintenant. Sinon, leur avis n’a pas de valeur et peut nuire au projet.

